Le Peuple Tupuri : Un Trésor Culturel du Grand Nord Cameroun.

Le Cameroun, souvent surnommé « l’Afrique en miniature », abrite une richesse culturelle exceptionnelle. Parmi les nombreux peuples qui composent ce tableau diversifié, les Tupuri, résidents du Grand Nord, occupent une place particulière grâce à leur patrimoine culturel et historique unique.
Origines et Localisation
Le peuple Tupuri fait partie du groupe ethnolinguistique soudanien et réside principalement dans les régions du Mayo-Kani et du Mayo-Danay au Cameroun. Leur territoire s’étend également au Tchad voisin, de part et d’autre de la frontière. Bien que géographiquement dispersés, les Tupuri ont su préserver leur identité culturelle et linguistique, malgré les influences extérieures et les pressions modernisatrices. Leur langue, également appelée Tupuri, appartient à la famille des langues tchadiennes et est un vecteur essentiel de leur identité collective.
Organisation Sociale et Mode de Vie
Les Tupuri sont traditionnellement des agriculteurs et des éleveurs. Le mil, le sorgho et le maïs sont les principales cultures vivrières, tandis que l’élevage de petits ruminants et de bovins constitue une ressource complémentaire. L’agriculture, souvent tributaire des saisons, est également intégrée à des pratiques cérémonielles marquant les étapes importantes du calendrier agricole.
La société tupuri est structurée de manière hiérarchique, avec une organisation basée sur des clans. Chaque clan a un chef respecté, responsable de la gestion des conflits, des rituels et de la préservation des traditions. Les décisions importantes sont prises collectivement, soulignant l’importance de la cohésion communautaire.
Une Culture Riche et Vibrante
La culture tupuri est profondément ancrée dans des pratiques spirituelles et artistiques. Parmi les traditions les plus connues, on trouve les danses traditionnelle denommée Gourna et waywa (avec un rythme speciale et peu compliqué à esquisser), souvent accompagnées de percussions et de chants polyphoniques. Ces danses, exécutées lors des rites traditionels, de funérailles ou de fêtes agricoles, sont autant d’occasions de renforcer les liens sociaux et de transmettre des récits historiques et mythologiques.
Pour pouvoir s’y retrouver dans cette segmentation rapide, on prend comme références une série de fêtes. Les ingrédients sacrificiels qui y sont consommés prennent une valeur communielle telle que leur nature détermine celle du groupe, et qu’on les brandit comme de véritables emblèmes. La célébration des grandes fêtes, comme le choix des dates, détermine ce que l’on a appelé les phratries. La «fête du poulet » [few kak] ou nouvelle année toupouri, qui marque la fin de la récolte du sorgho rouge, est célébrée par tous les Toupuri. Amorcée par les Doré en octobre, elle s’achève fin décembre chez les Ba’aré, créant ainsi un véritable cycle festif. La fête de la nouvelle lune de mars [few ka’ara»] marque la fin du cycle agraire, avec la récolte des sorghos repiqués [babu], qui étaient les plus tardifs avant l’introduction des mouskouaris. Elle donne aussi le signal des feux de brousse et des grandes chasses collectives. Cette fête, au cours de laquelle on demande la pluie, est la propriété des Doré ; elle est plutôt une fête de différenciation. Elle constitue le pendant du culte de Méné, qui est célébré pendant deux mois par les Gouwa. La fête de ralliement des Ba’aré a sans doute disparu, reconvertie en fête des forgerons (tous Ba’aré), célébrée entre janvier et février. Le calendrier des fêtes suit une sorte de répertoire des principaux clans. Les marques ostentatoires de ralliement données en ces occasions sont le signe de l’unité très affirmée du
peuple toupouri. Le suivi de ces fêtes permet de se passer de territoires claniques proprement dits. Si fêtes et repas sacrificiels forment le blason de chaque clan, les ingrédients sacrificiels en déterminent les partitions. Ils traduisentl’origine, voire la composition du clan, entérinant parfois des manipulations généalogiques. Pour la « fête du poulet », les Doré prennent un jarret de bœuf, un poulet, une boule de sorgho rouge ; mais l’élément discriminant est la « sauce longue », à base d’aubier d’un Grewia, qui fournit du mucilage. Chez les Banré, le Grewia est remplacé par le gombo (Abelmoschus esculentus). Cette différence est ressentie comme fondamentale ; elle traduit l’opposition entre deux strates de peuplement, l’une issue du Nord,
l’autre du Sud. L’artisanat est également une composante importante de la culture tupuri. Les poteries, les tissus teints et les objets sculptés témoignent d’un savoir-faire transmis de génération en génération.
Défis et Perspectives
Comme de nombreuses communautés rurales, les Tupuri font face à des défis liés à la modernité, à la migration et aux changements climatiques. L’urbanisation croissante et la pression sur les terres agricoles menacent leur mode de vie traditionnel. Par ailleurs, l’accès limité à l’éducation et aux soins de santé constitue un obstacle à leur développement.
Cependant, des initiatives émergent pour préserver et promouvoir la culture tupuri. Des associations locales et internationales œuvrent pour documenter leur patrimoine oral et soutenir des projets de développement durable adaptés à leurs besoins.
Une Identité à Préserver
Le peuple Tupuri est un exemple éclatant de la diversité culturelle qui caractérise le Cameroun. En dépit des défis, leur résilience et leur attachement à leurs traditions témoignent de leur capacité à s’adapter tout en préservant leur identité.
Il est essentiel de continuer à célébrer et à soutenir ces cultures uniques, non seulement pour enrichir le patrimoine national, mais aussi pour reconnaître la valeur inestimable des savoirs et des pratiques ancestrales qu’elles représentent. Dans un monde en constante évolution, le peuple Tupuri nous rappelle l’importance de maintenir un équilibre entre tradition et modernité. Leur histoire et leur culture méritent d’être mises en lumière et protégées, car elles font partie intégrante du riche tissu culturel de l’Afrique et du monde.