Le Mariage Forcé des Jeunes Filles Peuls dans l’Adamaoua, Cameroun : Un Défi Socio-Culturel.

Le mariage forcé reste une réalité tragique dans de nombreuses régions du Cameroun, et plus particulièrement chez les peuples peuls de l’Adamaoua. Ce phénomène, bien ancré dans certaines coutumes, touche de nombreuses jeunes filles et constitue une violation grave de leurs droits fondamentaux. La région, tout comme d’autres parties du pays, est marquée par des pratiques culturelles qui valorisent les mariages précoces et forcés, souvent au détriment de l’éducation, de la santé et du bien-être des jeunes filles.
Chez les Peuls de l’Adamaoua, le mariage précoces et forcés est souvent considéré comme une norme sociale. Dans certaines familles, le mariage est perçu comme une transaction sociale et économique, où la jeune fille est « donnée » à un homme en échange de biens matériels, comme la dot. Pour beaucoup de jeunes filles, le mariage est une étape imposée avant même qu’elles n’aient eu le temps de comprendre pleinement ses implications. La coutume veut également que, le jour du mariage, la famille de la jeune fille doive prouver sa virginité, et si cette condition est remplie, des sommes considérables peuvent être données à la famille de la jeune fille par le marié.
Le mariage forcé chez les Peuls n’est pas seulement une question d’intégration sociale, mais aussi une réponse à des pressions religieuses et communautaires. Les familles, surtout dans les régions rurales, considèrent souvent ce type de mariage comme un moyen de protéger la réputation de la famille et d’assurer le respect des traditions. D’autres raisons incluent des croyances selon lesquelles un mariage précoce « protège » la jeune fille, notamment contre les grossesses hors mariage, en faisant d’elle une femme « bien éduquée » selon les normes traditionnelles. Cependant, cette perception va à l’encontre des droits humains fondamentaux des filles. De plus, le manque d’accès à l’éducation pour les jeunes filles dans des régions comme l’Adamaoua rend leur situation encore plus vulnérable à ce type de mariage. Sans accès à l’éducation, elles sont moins informées de leurs droits et de leur potentiel à vivre une vie indépendante et épanouie.
Les conséquences du mariage forcé pour les jeunes filles sont dramatiques. Sur le plan de la santé, ces mariages précoces sont souvent accompagnés de grossesses précoces, ce qui présente des risques considérables pour la santé de la mère et de l’enfant. Selon une étude de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), les filles mariées avant l’âge de 18 ans ont une probabilité beaucoup plus élevée de développer des complications pendant la grossesse et l’accouchement, notamment des fistules obstétricales, des hémorragies et des infections. Pour Zainabou l’une des victimes de cette pratique nous fait part de son histoire » À l’âge de 12 ans, je me suis retrouvée chez mon mari, qui ne tenait pas compte de mon âge, bien que j’étais encore mineure. Lors de mon premier accouchement, une opération était nécessaire pour que je puisse accoucher. Ce n’est qu’après trois ans que j’ai pris pleinement conscience de la réalité de mon mariage et commencé à ressentir le véritable plaisir d’être épouse. »
Malgré les avancées législatives et les efforts des ONG pour combattre le mariage forcé, la situation reste préoccupante. Le gouvernement camerounais a mis en place des lois interdisant le mariage des enfants et a promu la scolarisation des filles. Cependant, ces lois ne sont pas toujours appliquées de manière efficace dans les zones rurales où l’influence des coutumes locales est plus forte. Des organisations locales et internationales, telles que « Girls Not Brides », l’Association des Jeunes Filles et Femmes du Cameroun (AJF) et « Filles Pas Epouses », jouent un rôle crucial dans la sensibilisation des communautés aux dangers du mariage précoce et forcé. Elles travaillent avec les autorités locales pour offrir des alternatives aux familles et éduquer les jeunes filles sur leurs droits.
Le mariage forcé des jeunes filles chez les Peuls de l’Adamaoua est un problème complexe, qui nécessite une approche holistique combinant législation, sensibilisation communautaire, et renforcement des capacités des jeunes filles. Bien que des progrès aient été réalisés, la situation reste critique et nécessite une attention continue et une action soutenue pour garantir aux jeunes filles un avenir où elles peuvent choisir librement leur destin.